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Leçon de vie

Edition N° 9 – 6 mars 2024

Atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA), Céline Mercier ne défie pas la mort, elle embrasse la vie. Ici avec Virgule, un berger australien, cette jeune femme de 28 ans organise une manifestation le samedi 23 mars à Vicques pour faire connaître la maladie de Charcot et récolter des dons en faveur de l’association ARSLA. (photo Pablo Davila)

Céline, comment avez-vous remarqué, quand vous aviez 23 ans, que quelque chose n’allait pas ?

– J’étais agricultrice à l’époque, je suivais un stage. J’avais déjà obtenu un CFC comme assistante vétérinaire. Un jour, pendant ce stage, je n’ai pas réussi à me mettre sur la pointe des pieds. Alors j’ai fait des recherches et j’ai consulté mon médecin généraliste, pensant que je m’étais tout simplement bloqué quelque chose dans le dos. L’IRM n’a rien trouvé. Mais comme ma maman est décédée de cette maladie quand j’avais 16 ans, et mon grand-père aussi, j’ai commencé à m’inquiéter. Parce que dans 5 à 10 % des cas, la maladie de Charcot est héréditaire. Je me suis donc rendue aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), où j’ai passé deux semaines d’examens. Après quoi, le diagnostic est tombé.

Et votre vie bascule. Pouvez-vous nous décrire vos sentiments, à ce moment-là ? 

– C’était comme un tourbillon. Une tempête. C’était comme si on m’enlevait la vue. Tous mes projets à long terme étaient condamnés, du jour au lendemain. Je connaissais cette maladie. Je savais ce qu’elle signifiait. Lorsque cette maladie vous touche, et elle peut vous toucher à n’importe quel âge, l’espérance de vie est de 3 à 5 ans maximum dans 80 % des cas. Ma maman est décédée en deux ans et demi, mon grand-papa en une année et demie. Quand j’ai appris la nouvelle, je ne pensais pas arriver à 28 ans.

Pour votre entourage proche, ce devait être un terrible choc. Je songe aussi à votre meilleur ami, Stéphane Rohrer, que vous aviez rencontré sur les bancs d’école.

– Notre amitié dure depuis neuf ans. Il m’a énormément soutenue lors des différentes phases de la maladie. Nous avons organisé une conférence ensemble, intitulée « Se relever et s’élever », que nous avons donnée en septembre de l’année dernière au Cinémont, à Delémont (cf. YouTube). La conférence abordait la place du malade, mais aussi celle des accompagnants, dont le rôle est difficile. Comme Stéphane est psychologue, il a livré de précieuses clés pour les uns et les autres, tout en laissant cours à ses propres émotions. C’était un moment très fort.

– Vous allez bientôt franchir la barre fatidique des cinq ans. Pardonnez-moi, mais comment expliquer que vous êtes toujours en vie ?

– Je n’en ai aucune idée. La force intérieure peut-être. Une minorité dépasse même la limite des cinq ans. Je fais partie de cette toute petite minorité.

Est-ce que le fait d’avoir écrit ce livre, « Sur la pointe des pieds », est pour quelque chose dans le prolongement du délai qui vous est imparti ?

– Je n’avais pas l’intention d’écrire, vraiment pas. Ce sont mes amis qui m’ont poussée, disant : « Tu devrais poser sur le papier ce que tu as dans le cœur ». Et avec raison. Quand on garde tout à l’intérieur, on rumine sans cesse et ce n’est pas bon. Le fait d’écrire, de raconter mon histoire, m’a permis de mettre un point final à chaque émotion vécue. Colère, impuissance, sentiments de culpabilité vis-à-vis de mon entourage… C’était une sorte d’autothérapie, mais le but était aussi de faire connaître cette maladie, bien moins connue que sa « cousine », la sclérose en plaques. Le livre s’adresse à tout le monde, parce que tous les mortels ont le même destin inéluctable. Et il délivre le message que, quels que soient les problèmes et les douleurs auxquels nous devons faire face, ces douleurs ne définissent pas toute l’existence. Il faut toujours regarder vers l’avant. J’ai fait toutes les démarches pour partir avec Exit et cela m’a apaisée de le faire. A présent, je ne pense plus à la mort, je vis au jour le jour.

Actuellement vous organisez une manifestation à Vicques, intitulée SLAvancer, qui aura lieu le samedi 23 mars à la salle Atrium. Comment s’articule-t-elle ?

– Je travaille sur le projet depuis un an. Le premier but est de faire connaître la maladie de Charcot. Le second est de récolter des dons. Le 100 % des bénéfices de la journée ira à l’association ARSLA, qui mène des recherches sur cette maladie. Ce sera une grosse journée, qui débute à 15 h et se terminera aux environs de 1 h. Il y aura une marche solidaire jusqu’à 17 h, départ libre et sans inscription, une boucle de 3 kilomètres adaptée à tout le monde. L’idée, c’est de faire réaliser aux gens la chance qu’ils ont de pouvoir mettre un pied devant l’autre. Après quoi il y aura, au centre culturel du village, des possibilités de restauration, le groupe « Music and Lights » et le DJ RV. J’ai aussi monté une exposition de photos avec la photographe Djemy, dont le studio se trouve à Corcelles (cf. www.djemi-photographie.com) Les photos de moi ont été prises sous l’eau et elles racontent mon histoire. Ces images symbolisent la liberté, la légèreté retrouvée. J’ai même pu faire des photos debout, sans les béquilles ! (Elle sourit.) Cette exposition rappelle que la maladie n’est pas que « ténèbres ».

Gardez-vous, au fond du cœur, l’espoir d’une guérison ? Même si la science affirme le contraire ?

– Oui, dans mon for intérieur cet espoir habite en moi.

Propos recueillis par
Pablo Davila

Atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA), Céline Mercier ne défie pas la mort, elle embrasse la vie. Ici avec Virgule, un berger australien, cette jeune femme de 28 ans organise une manifestation le samedi 23 mars à Vicques pour faire connaître la maladie de Charcot et récolter des dons en faveur de l’association ARSLA. (photo Pablo Davila)